Apollinaire
(1880-1918)
Wilhelm Apollinaris de Kostrowitzky est né à Rome en 1880, d’un père inconnu et d’une mere polonaise en exil. Son enfance et son adolescence ont pour décor l’Italie et la Côte d’ Azur. Lorsqu’il arrive à Paris en 1899, nourri des lectures de Verlaine, de Mallarmé, des symbolistes, il écrit déjà. En 1901, précepteur dans une riche famille rhénane, il découvre la vallée du Rhin, Allemagne puis l’ Europe centrale, leurs légendes et leurs mythes, qui deviendront les thèmes du cycles rhénan d’ Alcools. Amoureux de la gouvernante anglaise de son élève, Annie Playden, mais éconduit par elle, il devient ce « mal-aimé » dont la figure hantera nombre de ses poèmes, « La chanson du mal-aimé » étant l’un des plus célèbres.
À la veille de la guerre, Apollinaire apparaît de plus en plus comme le défenseur de l’avant-garde. Il vit avec le peintre Marie Laurencin de 1907 à 1912, et fréquente les peintres et les poètes du Bateau-Lavoir : Max Jacob, Salmon, Derain, Picasso. En 1916 il fait paraître le Poète assassiné. Le 24 juin 1917, Apollinaire fait représenter les Mamelles de Tirésias, qui qualifie de drame « surréaliste ». Apollinaire meurt le 9 novembre 1918, emporté par l’épidémie de grippe espagnole.
Apollinaire est l’illustration même de la mutation qui s’est opérée dans la poésie française entre 1900 et 1920. Il est le dernier poète élégiaque, mais surtout le précurseur des formes les plus modernes de la poésie, l’explorateur des voies que suivront dadaïstes et surréalistes.
Estimant que « le rythme même et la coupe des vers sont la véritable ponctuation », il supprime celle-ci dans Alcools (1913). « Las d’un monde ancien », il aspire, à l’instar de ses amis les peintres cubistes, à toutes les innovations poétiques que réclame « l’esprit nouveau » de ce siècle nouveau : cela aboutira notamment à la mise en page surprenante des Calligrames (1918) , qui fait de la disposition du texte sur la page un véritable dessin.
Alcools (1913). Le titre fait référence au Rimbaud du Bateau Ivre et du « dérèglement de tous les sens », ainsi qu’au poème en prose de Baudelaire : « Il faut toujours être ivre : de vin, de vertu ou de poésie ». « Le Pont Mirabeau », paru en 1913 dans le recueil Alcools qui mêle des poèmes composés entre 1898 et 1913, est caractéristique de la mélancolie apollinaire.
Cette élégie, devenue l’un des grans classiques de la poésie française, exprime le regret du temps qui passe et de l’amour qui s’enfuit.
Poésies :
Zone
À la fin tu es las de ce monde ancien
Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin
Tu en as assez de vivre dans l’antiquité greque et romaine
Ici même les automobiles ont l’air d’être anciennes
La religion seule restée toute neuve la religion
Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation
Seul en Europe tu n’es pas antique ô Christianisme
L’ Européen le plus moderne c’est vous Pape Pie X
Et toi que les fenêtres observent la honte te retient
D’entrer dans une église et de t’y confesser ce matin
Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut
Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux
Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d’aventures policières
Portraits des grands hommes et mille titres divers […]
Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie
Ta vie que tu bois comme eau-de-vie
Tu marche vers Auteuil tu veux aller chez toi à pied
Dormir parmi tes fétiches d’Océanie et de Guinée
Ils sont des Christ d’une autre forme et d’une autre croyance
Ce sont les Christ inférieurs des obscures espérances
Adieu Adieu
Soleil cou coupé
Le Pont Mirabeau
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Esperance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sou le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Jean-Paul
Sartre (1905-1980)
Le nouveau théâtre français
connaît une
crise qui menace gravement l’existence. Peut-être
qu’il renaîtra
plus puissant que jamais. Qui sont les facteurs déterminants de cette crise et
les solutions donées? Il faut partir des racines de la littérature
française : chaque époque a connu un genre littéraire majeur. Le
Classicisme s’est réalisé par la tragédie, le XVIIIe siècle est siècle de la
philosophie ; commençant avec le XIXe siècle le roman reste sur le premier
plan. Le théâtre
contemporain ne peut rester dans le cadre étroit que les règles classiques ont
créé et que le romantisme ait changé par la Préface de Cromwell.
Le théâtre
du XIXe siècle et le nouveau théatre font partie de la crise philosophique. Le
théâtre
actuel souffre une autre influence : celle du cinéma. L’expérience et la
concurrence du cinéma font une extension de l’espace scenique et de la durée
théatrale. Le jeu avec le temps et avec l’espace sont le résultat dans le
théâtre
qui a une influence du cinéma. Les thèmes du nouveau théâtre
sont : la condition sociale de l’homme, en plus la condition métaphysique.
Le nouveau théatre est devenu un théâtre
populaire par l’extinction et par la profondeur de sa thématique. Il donne de
nouvelles perspectives en dramaturgie.On peut trouver des chefs-d’œuvre.
Les représentants sont : Giraudoux, Cocteau, Salacrou, Sartre, Anouilh et
Ionesco. Tous ont un apport au théâtre
de l’absurde, cherchent à trouver une résolution par leur écriture en face de la
guerre et en face des maux qui menace l’existence humaine. Tout est couvert par
une écriture élevé, on entre dans la mythologie grecque et romaine, évadent dans
un langage voilé pour que les grands hommes de l’Etat ne comprennent pas le
message théâtral.
Sartre naît à
Paris. À la Rochelle il fait ses études. Il entre ensuite à l’ Ecole Normale
Supérieure. Devenu professeur de philosiphie, il enseigne d’abord dans un lycée
du Havre, puis à Paris, et passe ensuite une année à Berlin, pour étudier
Husserl et Heidegger. À trente et un ans il publie sa première œuvre
philosophique, L’ Imagination , suivie d’un récit, le
Mur, et d’un roman, La Nausée. Il se lie ensuite avec
Simone de Beauvoir, qui sera sa compagne pendant toute sa vie et avec Camus
(cette amitié se terminera plus tard par une querelle). Il est un athéiste, il
affirme que Dieu n’existe pas. Sa sensibilité le pousse à nier Dieu parce qu’il
a eu une vie tumulteuse. Résistant pendant la guerre, intellectuel de gauche à
de nombreux combats militants (contre la guerre d’Algérie, contre la torture,
contre toutes les formes de colonialisme), il est aussi le chef de file du
mouvement existentialite. Cette philosophie repose sur l’idée que l’être humain n’est pas déterminé à
sa naissance et qu’il lui revient d’utiliser sa liberté pour
« devenir » ce qu’il n’est pas encore. Atteint de cécité à la fin d’une vie consacrée
simultanément à la littérature et à l’engagement, Sartre meurt à Paris en 1980.
Comme dramaturge il a écrit les pièces suivantes : Les
Mouches, Huis Clos, Morts sans sépulture, Les Mains sales, Les
Séquestrés d’Altona.
Les Mouches –1943
« Je suis libre, Électre »
Dans
Les Mouches, Sartre reprend, en le transformant, un épisode de la
légende des Atrides, famille de la mythologie grecques maudite par les
dieux.Oreste, fils d’Agamemnon et de Clytemnestre, est encore enfant lorsque
Égisthe, l’amant de sa mère, tue son père et l’éloigne de la ville d’Argos.
Quelques années plus tard, Oreste, de retour dans sa patrie, décide
– sous
l’influence de sa sœur Électre – de
venger son père en tuant, successivement, Égisthe et sa mère
Clytemnestre.
Dans
le texte qui suit, Oreste retrouve Électre après avoir accompli son crime. Cette
dernière est effrayée par les Érinyes, les déesses de la vengeance et du
remords. Oreste, au contraire, voit dans son acte pleinement assumé le symbole
de la liberté humaine.
Oreste
Je
suis libre, Électre ; la liberté a fondu sur moi comme la
foudre.
Électre
Libre?
Moi, je ne me sens pas libre. Peux-tu
faire que tout ceci n’ait pas été? Quelque chose est arrivé que nous ne sommes
plus libres de défaire. Peux-tu
empêcher que nous soyons pour toujours les assassins de notre
mère?
Oreste
Crois-tu
que je voudrais l’empêcher ? J’ai fait mon acte, Électre, et cet acte
était bon. Je le porterai sur mes épaules comme un passeur d’eau porte les
voyageurs, je le ferai passer sur l’autre rive et j’en rendrai compte. Et plus
il sera lourd à porter, plus je me réjouirai, car ma liberté, c’est lui. Hier
encore, je marchais au hasard sur la terre, et des milliers de chemins fuyaient
sous mes pas, car ils appartenaient à d’autres. Je les ai tous empruntés, celui
des haleurs, qui court au long de la rivière, et le sentier du muletier et la
route pavée des conducteurs de chars ; mais aucun n’était à moi.
Aujourd’hui, il n’y en a plus qu’un, et Dieu sait où il
mène :
Mais
c’est mon chemin. Qu’as-tu?
Électre
Je ne
peux plus te voir ! Ces lampes n’éclairent pas. J’entends ta voix, mais
elle me fait mal, elle me coupe comme un couteau. Est-ce
qu’il fera toujours aussi noir, désormais, même le jour? Oreste ! Les
voilà !
Oreste
Qui?
Électre
Les
voilà ! d’où viennent-elles?
Elles pendent du plafond comme des grappes de raisins noirs, et ce sont elles
qui noircissent les murs ; elles se glissent entre les lumières et mes
yeux, et ce sont leurs ombres qui me dérobent ton visage.
Oreste
Les
mouches…
Électre
Écoute !
… Écoute le bruit de leurs ailes, pareils au ronflement d’une forge. Elle nous
entourent, Oreste. Elles nous guettent ; tout à l’heure elles s’abattront
sur nous, et je sentirai mille pattes gluantes sur mon corps. Où fuir, Oreste? Elles
enflent, elles enflent,les voilà grosses comme des abeilles, elles nous suivrons
partout en épais tourbillons. Horreur ! Je vois leurs yeux, leurs millions
d’yeux qui nous regardent.
Oreste
Que
nous importent les mouches?
Électre
Ce sont les Érinyes, Oreste, les déesses du remords.
-- Material trimis de Roxana Sarbu
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